La nuit a été secouée de violents orages et de fortes pluies. De nombreux villages déplorent de grandes mares de boue, des arbres déracinés et de l'asphalte soulevée.
Ce matin je suis en avance, la faute à une nuit plus courte, sans que je sache pourquoi. Me voilà à la recherche d'un gentil petit café, dans une de ces ambiances si particulières des cafés et autres bars, que j'affectionne. Au centre du village de Mane, en bord de route (celle qui traverse de part en part), je trouve une place pour me garer. Un choix s'offre alors à moi: d'un côté une devanture plus grande, bien en vue de a route, le PMU du coin; de l'autre côté, le café des sports, dans un recoin de la place, plus petit, plus cosy, la bâche est rouge. Je voulais lire l'Equipe, donc je me dirige vers le café des sports.
L salle est petite, il y a les « fameuses » chaises en bois du début du siècle, un grand écran plat accroché au mur et dessous un drapeau de l'Olympique de Marseille. Quand je rentre, 3 personnes, patron compris, sont installées au comptoir et discutent, il me semble qu'elles se connaissent. Je trouve « la » place que j'adore, celle qui me permet d'avoir une vue de tout et de tous, au bout du comptoir, après moi, le mur. Je commande mon café.
La discussion entre ces habitués, porte sur la retransmission, la veille, d'un match du championnat de France de foot: OM/PSG 1993. Il est parfaitement clair (et visible) que l'endroit est dévot des Phocéens (je me garde de me mêler de la discussion et encore moins d'apporter la contradiction, je suis plutôt supporter de l'ennemi). Le jeu « assez dur » limite guerrier barbare, sans être glorifié, est tout de même source de commentaires et d'une acceptation entendue, comme un gage de virilité masculine, de ces hommes qui en ont et qui ne se laissent pas marcher dessus. La liste des gloires de l'époque s'égraine, et avec elle son flot de souvenirs et chacun d'évoquer ses soirs de match.
Entre temps, 3 autres habitués sont entrés. Je répète, volontairement des « habitués » parce que ce sont des habitués! Ils sont faciles à reconnaître, le patron les appelle par leurs prénoms en les saluant et ils n'ont pas besoin de commander. Je m'empresse aussi de préciser que chacun de ces nouveaux arrivants est venu me serrer la main.
La nostalgie continue à flotter dans la pièce, un des protagoniste évoque alors la folie des soirs de match, avec son frère et leurs enfants respectifs, tous fanatiques de l'OM, les cris, les insultes à l'arbitre. Un autre raconte qu'un soir de (mauvais) match, son père a défoncé la porte de la cuisine; ce qui aurait fait dire à sa mère: « j'ai une famille de barjots ». Un rire général s'élève.
Saisissant un tract, sur le comptoir, un des derniers arrivants lit à voix haute; il est question d'une journée escargots, cueillette et repas pour le week-end prochain. Particulièrement impliqué, il lance les invitations en tentant de vendre la manifestation. Il part alors dans un délire, il y aurait 2 formules possibles, coquilles pleines, tu suces, ou coquilles vides, rien. Rire général, un peu gras, mais bon...
Cette digression a ouvert le cerveau d'un des clients, et l'oriente vers l'équipe de France de rugby qui s'entraine avec des lunettes de soleil. Foutage de gueule pour cette idée d'intellectuel Parisien qui a du gagner 30 000€ en vendant ses lunettes et qui dort tranquille maintenant. Pour amener un peu de raison au débat, sans prendre aucun parti sur le sujet, je me dois de préciser que ces lunettes ont été confectionnées pour l'occasion, qu'elles obstruaient partiellement la vue, afin de forcer les joueurs à plus d'attention et de concentration au moment de se passer le ballon.
Puis il évoque les mêlées simulées ( au rugby ce sont les mêlées à l'entrainement, qui ne sont pas réalisées à fond; afin de ne prendre aucun risque de blessure inutile) pour dire que son copain Marcel déclare : « les mêlées simulées, c'est pour les pédés ». Je ne sais ni comment, ni pourquoi, mais la conversation continue sur le spot d'une campagne gouvernementale sur l'homophobie....?
Il s'agit de celle où des personnalités du sport apparaissent et plaident contre la haine des différences; il y a entre autre Claude Makélélé, Benoît Pedretti, mais l'intervention préféré du conteur, est celle de Loulou Nicolin qui conclut le spot :
« l'homophobie, c'est pour les tarlouzes »
Nouveau rire général, un peu plus gras...
J'avais fini mon second café, je règle et me lève pour repartir; je salue en sortant, on me rend mon salue. Dehors, sur les 20 mètres qui me séparent de mon véhicule, je me dis, en moi même, que décidément le grand malheur de l'humanité, c'est bien le manque d'intelligence. Des supporters de foot basiques et homophobes, y a t-il vraiment matière à étonnement?
Les religions, les couleurs, les frontières, la politique, le sport n'ont qu'un seul et même ennemi : la bêtise, qui amène la méconnaissance et la peur avant de laisser la place à la méchanceté.
J'affirme et je rêve tout haut: tous les conflits de la planète, en-bas dans notre rue ou à 10 000Km n'auraient d'espoir d'être résolus que par l'éducation de l'intelligence de tous, le développement du libre-arbitre de chacun pour atteindre la tolérance de tous envers tous et vice versa.
...J'entends... ce sont des rires... et ceux-la sont très gras.